TOKYO (AFP) - A 74 ans, Shigeo Tokuda ressemble à première vue à un retraité ordinaire, avec son crâne dégarni et son ventre bedonnant. Mais ne vous fiez pas aux apparences: ce papy est en réalité une star du porno au Japon.
L'ancien agent de voyages, qui a pris sa retraite il y a quatre ans, a tourné dans plus de 300 films en l'espace de 15 ans et est devenu, depuis le décès récent de son rival à l'âge respectable de 90 ans, la vedette incontestée du porno du troisième âge.
"J'avais envie de faire quelque chose de différent", confie simplement M. Tokuda, lorsqu'on l'interroge sur son passe-temps plutôt insolite.
Dans un Japon vieillissant qui compte près de 30 millions de personnes de plus de 65 ans, les réalisateurs de films porno veulent eux aussi exploiter le filon du papy-boom.
"J'ai commencé il y a 13 ans à faire des films avec des actrices d'une trentaine d'années, qu'on qualifiait à l'époque de +mûres+, par contraste avec les jeunes filles qui jouaient les rôles de Lolita en tenue d'écolière", raconte Ryuichi Kadowaki, directeur de la société de production Ruby. "Mais à mesure que le Japon vieillit, on prend des actrices de plus en plus âgées, même septuagénaires."
L'un de ses récents succès montre les ébats de M. Tokuda avec une actrice de 72 ans. Au dos du DVD, au milieu de photos de chairs ramollies, on peut lire: "Ah quel bonheur! N'ayez pas honte de vieillir. Le désir est le meilleur des remèdes".
Le "maître de l'érotisme", comme le surnomme Ruby, joue aussi les séducteurs auprès de jeunes actrices, parfois déconcertées d'avoir à tourner des scènes de sexe avec un acteur de l'âge de leur grand-père.
M. Tokuda, qui mesure à peine 1,60 m et n'a pas les atouts d'un Rocco Siffredi, affirme ne recourir à aucun artifice pour les tournages.
"Je ne prends rien, pas de Viagra, car il y a quatre ans, j'ai eu un infarctus", déclare-t-il. "Je n'ai pas de recette miracle: je mange beaucoup d'oeufs et de légumes, je marche beaucoup, je préfère les escaliers aux ascenseurs. Ce qui m'aide avant tout, c'est l'imagination."
"Quand je crie +moteur, action+, parfois ça prend quand même un peu de temps avant qu'il soit prêt", rectifie cependant Gaichi Kohno, qui a réalisé 12 titres en deux ans avec son acteur fétiche.
"Au Japon, beaucoup d'hommes ont peur des femmes de leur génération et se sentent plus en sécurité avec des femmes plus âgées. C'est pourquoi ce type de vidéo a explosé", affirme-t-il.
Selon le directeur de Ruby, les vidéos de "personnes mûres" ont pratiquement doublé en l'espace de 10 ans dans l'archipel, où le marché de la pornographie, tous supports confondus (films, mangas, jeux, etc...) rapporte près de 16 milliards d'euros par an.
M. Kohno est tellement fier du succès de son "papy hardeur" qu'il va s'attaquer dès le mois prochain aux marchés américain et européen.
M. Tokuda se donne lui encore cinq ans avant de se rhabiller et d'abandonner les plateaux de tournage.
Marié depuis 45 ans -- "avec la même femme", précise-t-il -- il a un fils de 40 ans, un petit-fils, et une fille de 38 ans qui va se marier dans quelques jours.
"Ils savent que je travaille dans le porno, mais pas que suis un acteur vedette", assure-t-il. "Le matin, quand je dis à ma femme que je vais au travail, elle préfère ne pas poser de questions."
Mais sa fille est tombée récemment sur un scénario de film. "Elle m'a simplement demandé sur un ton glacial: +Tu vas faire ça encore longtemps?+ J'ai préféré ne pas répondre."
"Je pense que vers les 80 ans, il sera temps de s'arrêter."